Hélène Smith hante un parcours de podcasts dans les rues genevoises

"Une superstar surnaturelle. Une exploratrice de planètes. Une voyageuse dans le temps. Une célébrité qui communique avec les esprits. C’est ainsi qu’Élise Müller apparaît, un jour quelconque de l’année 1900, aux yeux des gens qui accourent juste là, au 8, rue de la Confédération (qu’on appelle alors rue des Allemands), pour la voir. Des gens venus souvent de loin, d’Europe et des États-Unis, qui espèrent apercevoir cette femme entre les tissus de soie du magasin Badan, où elle travaille…".

Hélène Smith hante un parcours de podcasts dans les rues genevoises

La place de la Fusterie telle qu’Élise/Hélène la voit en sortant du travail (1898)
La place de la Fusterie telle qu’Élise Müller/Hélène Smith la voit en sortant du travail (1898) Crédit: Bibliothèque de Genève, Centre d'iconographie

Ainsi commence le parcours de podcasts Les jeux d’esprit(s) d’Hélène Smith/Élise Müller ou Les voyages martiens d’une reine de Plainpalais, lancé le 21 mars sur la plateforme hypercity.ch (remise à neuf pour l’occasion) des Bibliothèques municipales (BM), cousines de la Bibliothèque de Genève (BGE) au sein de la grande famille bibliothécaire de la Ville de Genève. Après la BGE et son exposition Élise Müller/Hélène Smith. Médium, artiste en 2023, les BM explorent à leur tour cette histoire, la connectant à ses lieux clés en sept haltes entre le Centre-ville et Plainpalais. 

Le magasin Badan traversé par des «insectes ultramartiens» peints par Hélène Smith/Élise Müller 1906 Crédit: Bibliothèque de Genève, Centre d'iconographie

Le récit démarre au moment où Hélène Smith/Élise Müller, vendeuse la semaine et médium le dimanche ou après le travail, fait les gros titres de la presse américaine. "Les scientifiques croient qu’Hélène Smith, une fille suisse, a visité Mars" (“Scientists believe Helene Smith, a Swiss girl, has visited Mars”), clame ainsi, le 12 août 1900, le St. Louis Post Dispatch – un journal réputé sérieux, fondé par Joseph Pulitzer, le pionnier du journalisme d’investigation qui donnera son nom à un prix d’excellence existant encore de nos jours (excusez du peu…). Genève, note alors le psychologue Théodore Flournoy, devient "un lieu de pèlerinage spirito-occultiste très couru, fleuron qui manquait encore à sa couronne".

Scientists believe Helene Smith, a Swiss girl, has visited Mars
St. Louis Post Dispatch Scientists believe Helene Smith, a Swiss girl, has visited Mars 12 août 1900

En réalité, les scientifiques ne croient pas à ces dialogues avec l’au-delà et à ces voyages dans l’espace en transe, mais leur travail avec la médium aboutit à quelques découvertes essentielles sur l’esprit humain. En participant aux séances spirites d’Élise/Hélène, Ferdinand de Saussure commence à comprendre comment le cerveau fabrique des langues et le psychologue Théodore Flournoy découvre les prodiges créatifs de notre "subconscient", décrits dans son livre Des Indes à la planète Mars (1900). 

Le parcours se termine en s’intéressant à la manière dont des artistes explorent aujourd’hui les créations de la médium, comme le font l’écrivaine genevoise Carla Demierre et le plasticien allemand Olaf Nicolai, auteur du néon en caractères martiens empruntés à Hélène Smith installé sur la plaine de Plainpalais. Chercheuse à sa manière, peintre somnambule dans la deuxième partie de sa carrière, Élise/Hélène aura remué ciel et terre pour se faire une place, s’approprier sa vie et faire du sens de façon autonome, participant aussi – comme, étonnamment, le spiritisme en général – au combat des femmes pour choisir leur rôle dans le monde.

Dès le 21 mars, en ligne (sur hypercity.ch) et dans la rue.

Balade guidée samedi 23 mars à 14h (sur inscription: bmgeneve.agenda.ch).

Ce billet a été rédigé par Nic Ulmi (médiateur culturel numérique, rédacteur du magazine Nota et responsable de la plateforme hypercity.ch au sein des Bibliothèques municipales), dans le cadre de la collaboration entre la Bibliothèque de Genève et les Bibliothèques municipales autour d’Hélène Smith/Élise Müller.

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