Ce portrait de Jean-Gabriel Eynard est daté au verso du 18 juin 1853, probablement de sa main. Eynard aurait alors 78 ans, ce qui paraît vraisemblable. Il est quasiment certain que cette pièce a été prise le même jour que les plaques he 01 et 84.XT.255.17, car Eynard porte les mêmes vêtements et qu’il est assis dans un cadre similaire. Une autre plaque porte la même date mais Eynard y est vêtu différemment (voir 84.XT.181.2). Dans cet ensemble, lf 01 se distingue par sa soigneuse mise en couleur qui a conduit Nicolas Crispini (2015) à l’attribuer à l’atelier Mayer & Pierson, réputé pour leur savoir-faire dans le domaine de la colorisation des daguerréotypes. Une plaque du corpus Eynard porte en effet une publicité de cette maison.
Dès les débuts de la photographie, reproduire les couleurs a été une préoccupation constante. L’application de couleurs sur les daguerréotypes une fois l’image fixée était la seule possibilité adaptée à ce procédé, la qualité du résultat dépendant de l’habileté de l’exécutant. Noël Paymal Lerebours précise dans son Traité de 1843 qu’il faut avoir quelques notions de peinture pour se lancer dans cette opération, que les résultats sont toujours inférieurs à une très belle « épreuve » et qu’il n’est nullement partisan de cette opération : « Nous trouvons que faire enluminer par une main humaine une image photographique, c’est la même chose que de faire retoucher une miniature de madame de Mirbel par un peintre d’enseigne » (Lerebours 1843, p. 81). Les rehauts de couleur sur le visage sont plutôt exceptionnels dans l’œuvre d’Eynard. On ne compte que dix daguerréotypes colorisés, dont peu avec autant de finesse, comme l’illustre la délicate teinte rosée déposée sur le visage d’Eynard. On peut faire l’hypothèse qu’Eynard a pu faire coloriser ses plaques par un spécialiste.
Les pièces de ce ensemble sont par ailleurs dénués de la fantaisie caractéristique des mises en scène d’Eynard. Il est ici représenté au centre de la composition, à mi-corps, le buste tourné vers la droite et le bras appuyé sur un support métallique pour assurer son immobilité. Le regard frontal crée une proximité avec le spectateur, particularité dont la rareté dans les autoportraits laisse à penser que cette vue a été prise en atelier par un confrère professionnel.
On peut donc penser qu’il s’agit de l’œuvre d’un atelier professionnel. On nuancera toutefois l’attribution à Mayer et Pierson, car cet atelier n’était pas encore constitué au moment de la prise de vue. Il pourrait s’agir d’une production de l’atelier des photographes de l’empereur Napoléon III Mayer Frères, créé en 1850, lequel fusionnera en 1855 avec celui de Pierson. (U. Baume-Cousam)
inscription sur l'oeuvre