Sur la quinzaine de daguerréotypes où figure le palais Eynard, seuls trois ont été pris depuis le sud. Celui-ci, non daté, adopte un cadrage très similaire à un autre, réalisé selon toute vraisemblance en avril 1851, où l’on voit un peu de neige par terre derrière les arbres (84.XT.255.74). Comme la plupart des vues de cet édifice, tous deux ne sont pas inversés grâce à l’emploi d’un petit miroir ou d’un prisme placé devant l’objectif. Ici, cinq personnes animent l’image tout en indiquant l’échelle du bâtiment, dont leurs faibles dimensions renforcent la monumentalité. En bas de l’escalier, le cocher Jules Lachenal s’occupe des chevaux et semble attendre la famille de Regny, qui se tient sur le palier en forme de terrasse. En estimant l’âge de Marie et d’Henri de Regny, nés en 1841 et en 1843, on peut situer la prise de vue peu après 1846. Le palais à droite et les trois arbres dénudés au milieu et sur la gauche forment une composition particulièrement équilibrée. La blancheur de la demeure, légèrement surexposée, contraste avec les tons foncés des végétaux. Les lignes verticales sont marquées par les troncs élancés des arbres, auxquels font écho les colonnes qui scandent la façade du palais ; ces lignes restent parfaitement parallèles grâce à un recul suffisant et un point de vue surélevé. Sur un dessin et une gravure réalisés par Jean DuBois vers 1833 et conservés à la Bibliothèque de Genève (30P A Eyn 02 et 30P A Eyn 02a), le palais et les trois arbres sont représentés sous un angle similaire, mais le cadrage plus large fait apparaître, au premier plan, la promenade publique d’où Eynard a pris cette vue. Malgré un léger flou, ce daguerréotype témoigne de la maîtrise d’Eynard dans la représentation d’architecture et de sa capacité à photographier un monument dans son environnement. (I. Roland)