Selon une inscription apposée au verso, c’est en 1843 qu’Eynard a pris ce portrait du prince et de la princesse de Montléart, « mère du roi du Piémont », avec leurs deux enfants, Jules Maurice et Louise Bathilde. La troisième personne depuis la gauche est effectivement Marie-Christine de Saxe (1779-1851), fille du duc Charles-Christian de Saxe et petite-fille du roi de Pologne Auguste III. Elle avait épousé en premières noces Charles-Emmanuel de Savoie-Carignan dont elle eut un fils, Charles-Albert, roi de Sardaigne à partir de 1831 et père du futur premier roi d’Italie Victor-Emmanuel II. Nés respectivement en 1807 et 1809, les deux enfants présents sur ce portrait familial sont issus de son second mariage avec le comte français Jules Maximilien Thibault de Montléart. Ce daguerréotype a sans doute été pris à Paris, mais la terrasse sur laquelle posent les modèles et le bâtiment visible à l’arrière-plan n’ont pu être identifiés. Peut-être s’agit-il de la résidence des Montléart. C’est probablement à leur demande qu’Eynard a réalisé ce portrait très soigné. On reconnaît plusieurs caractéristiques de sa manière de photographier : le choix d’un cadre architectural qui structure et équilibre la composition, la disposition recherchée des personnages et leurs attitudes diverses qui donnent à l’image un caractère moins conventionnel. Les deux hommes, habillés de noir, sont disposés de part et d’autre des deux femmes, dont les vêtements plus clairs sont rehaussés de motifs variés. La plus âgée porte un bonnet de lingerie et un châle ; la plus jeune, un élégant tablier à décor végétal. Jules Maximilien Thibault de Montléart a posé son coude sur le parapet de la terrasse et regarde devant lui, l’air déterminé, tandis que son fils esquisse un sourire, sa haute stature le distinguant du groupe. Assez sombre et presque craintif, le visage de Louise Bathilde tranche avec celui de sa mère, empreint de douceur et de bonté. Les deux femmes se tiennent par les mains dans un geste affectueux qui apporte une note intime et chaleureuse à ce portrait familial. Leurs mains entrelacées forment le cœur de la composition. À gauche du groupe familial, Jules Maximilien Thibault de Montléart a posé une main sur sa tempe, un ou deux doigts pointés vers le haut ; à droite, son fils dirige, quant à lui, son index vers le bas. Hasard ou non, la position des deux femmes, ainsi que la coiffure et la robe aux manches froncées de Louise-Bathilde, d’inspiration Renaissance, rappellent un tableau intitulé Les deux sœurs, que Théodore Chassériau a peint la même année 1843. Le fauteuil agrémenté de colonnettes torses sur lequel est assise Marie-Christine est également dans le style de la Renaissance. La netteté des figures permet d’admirer l’expressivité de chaque visage et la richesse des toilettes féminines. Les deux hommes sont légèrement trop sombres, mais la lumière est dans l’ensemble bien maîtrisée. Cette image de qualité prouve que, quelques années après ses débuts, Eynard était déjà capable de réaliser des portraits de groupe extrêmement réussis. (I. Roland)
inscription sur l'oeuvre
Inscription posthume : Non
Inscription posthume : Oui