Ce très beau portrait de trois employés d’Eynard présente une composition soigneusement étudiée pour accentuer l’effet de profondeur, marqué par la statue au fond. Eynard renonce à une présentation frontale au profit d’une disposition oblique qui permet d’éviter les superpositions et présente un avantage pour la vision en relief.
L’architecture de l’annexe du Palais Eynard sert de cadre à cette scène dominée par une colonne centrale. L’attention du spectateur est attirée par le personnage au premier plan, Louise Gilliard, cuisinière attachée à la famille Eynard. Elle se tient assise, dans une posture empreinte d’un certain flegme, à l’extrémité d’un banc. L’éclairage par la gauche l’inonde de lumière et met en évidence toute la richesse des nuances de teintes du tissu écossais de sa robe, comme si les couleurs du vêtement nous étaient rendues. L’étoffe rayée du tablier, dont les plis saillants forment un jeu d’ombre et de lumière, offre un contraste intéressant avec le motif de la robe. Un bonnet de lingerie blanc apporte une touche supplémentaire à ce jeu de clair-obscur qu’Eynard semble parfaitement maîtriser. Ce travail sur les motifs se retrouve dans les entrelacs du dossier du banc. Au second plan, un deuxième domestique, vêtu de noir, debout de trois quarts, le regard porté au loin dans le même axe que la femme, se détache du fond clair des murs et de la colonne. Le fût de la colonne divise la composition et lui donne toute sa force en séparant les employés de maison. A l’arrière-plan, Eynard reprend le motif du banc sur lequel est assis un domestique.
L’identité parfaite de ces deux vues suppose très certainement l’utilisation d’un appareil binoculaire. Toutefois, la vue de gauche empiète nettement sur celle de droite. Ce brouillage visuel est sans doute dû à un mauvais réglage. Il est donc probable que cette pièce non datée soit contemporaine des premiers essais de stéréoscopies binoculaires d’Eynard, attestés à partir de septembre 1852. (U. Baume-Cousam)