Une fois de plus, c’est devant la porte-fenêtre médiane de la maison de maître de Beaulieu, reconnaissable à son store en tissu brodé, en l’occurrence abaissé, qu’un groupe de quatorze personnes a pris la pose. L’image est inversée, vu que la statue de Mercure a en réalité le coude gauche replié. Eynard et son épouse sont représentés avec quelques amis, leur fille Sophie et leur petite-fille Hilda. La présence d’Aloys Diodati tend à situer cette image après son mariage avec Hilda, le 6 septembre 1853, encore qu’elle ait pu être prise peu avant cet événement, d’autant plus que les deux jeunes gens ne se tiennent pas côte à côte. Une inscription apposée ultérieurement au verso permet d’identifier les personnes représentées. Debout à gauche d’Eynard, on reconnaît le banquier et homme politique français d’origine suisse François Marie Delessert (1780-1868), qui figure sur huit daguerréotypes. Devant lui, décalé sur la gauche, se tient son fils Benjamin (1817-1868), banquier et homme politique français, mais également historien de l’art vivement intéressé par la photographie. Sa mère Sophie Delessert, née Gautier, est assise au centre du groupe, le regard tourné vers la gauche de l’image. L’homme à sa gauche est présent sur deux autres daguerréotypes pris en 1848 (rm 003 et rm 012) ; l’inscription signale qu’il s’agit de son beau-fils, le banquier Jean-Henri Hottinguer (1803-1866), mais le modèle ne ressemble pas aux portraits officiels de cet homme, ni à son aspect sur deux autres daguerréotypes qui ne posent pas de problème d’identification (DE 055 et DE 069). Il est possible que ce soit Jean-Henri Hottinguer qui ait déclenché la caméra, comme il l’avait fait pour immortaliser son château près de Paris en 1843 (voir Musée de l’Elysée, 054040). Son épouse Caroline Hottinguer, née Delessert, est assise tout à gauche, et le jeune garçon à ses pieds est visiblement leur fils Henri, né en 1845 ; l’aîné Rodolphe, né en 1835, pourrait être le jeune homme assis à gauche de sa grand-mère Sophie Delessert. L’homme penché au-dessus de lui, au deuxième rang, est Adrien Constant de Rebecque (1806-1876), dit Constant-Delessert, homme politique et pionnier de la photographie dans le canton de Vaud. On le retrouve sur trois autres daguerréotypes (2013 001 dag 037, DE 088 et rm 010), dont l’un pris à Paris avec le photographe Lerebours (rm 010). En revanche, on ignore si la femme en direction de laquelle il se penche est son épouse, Louise Julie Delessert, ou sa mère, Louise Constant, née Polier.
Les modèles sont alignés sur deux rangs de façon assez libre, de face, de trois quarts ou de profil. Ils adoptent des attitudes diverses et le geste d’Adrien Constant renforce l’impression que la plupart d’entre eux n’ont pas encore pris la pose. Relevons qu’Eynard lui-même marque le sommet d’une sorte de diagonale qui part du chapeau de Caroline Hottinguer, tout en sommant de son imposante stature le groupe constitué par son épouse, sa fille et sa petite-fille.
La vue de gauche est de meilleure qualité que celle de droite, trop claire et peu contrastée, sans compter les rayures qui altèrent sa lisibilité. (I. Roland)
Inscription posthume : Oui