C’est devant la façade principale de la maison de maître de Beaulieu que pose un groupe composé de huit enfants, dont les trois petits-enfants d’Eynard, Gabriel, Hilda et Féodor, et ses petits-neveux, Woldemar, Edmond et vraisemblablement leur sœur Elisabeth, dite Anna Eynard. Les deux autres enfants n’ont pu être identifiés avec certitude, mais il pourrait s’agir d’Ernest et Amélie de Traz ou, moins vraisemblablement, de William et Caroline Marcet, comme le propose une inscription apposée ultérieurement au verso. En observant la statue insérée dans la niche, copie du jeune faune jouant de la flûte de Praxitèle, on constate que la gauche et la droite sont interverties. Cette sculpture, placée dans l’axe, détermine un arrière-plan pratiquement symétrique, tout en conférant un élan pyramidal à la composition. On ignore quand cette image a été prise par Eynard, mais en considérant l’âge de ses petits-enfants et en comparant avec d’autres daguerréotypes clairement datés (par exemple DE 050), on peut en déduire que c’est entre 1842 et 1844. Eynard est parvenu à réaliser un portrait d’enfants très vivant à une époque où les temps de pose duraient plusieurs secondes. Il s’agit en outre de l’un des rares grands groupes photographiés par Eynard où ne figure aucun adulte, ce qui a certainement constitué une difficulté supplémentaire (autre exemple nc 04 ou sa copie DE 060). Quelques visages sont moins nets, peut-être parce qu’ils ont bougé. Même si les modèles sont alignés de façon assez traditionnelle, ils adoptent des positions et des attitudes diverses qui permettent d’éviter toute monotonie et créent un effet d’instantanéité. Tantôt assis, tantôt debout, sérieux ou souriants, ils se présentent de face ou de trois quarts, avec les jambes ou les bras croisés ; certains fixent l’objectif, d’autres regardent de côté ou baissent les yeux. Quelques-uns ont posé affectueusement une main sur une épaule voisine, signe de complicité qui donne une certaine fraîcheur à ce portrait d’enfants. L’alternance entre les habits clairs et foncés, de même que la variété des étoffes, rehaussées pour certaines de rayures ou de carreaux, animent également cette image et lui ajoutent une touche graphique. Les garçons les plus jeunes sont vêtus d’une tunique russe ceinturée, alors que le plus âgé, au centre, porte un gilet et une redingote barrée par le nœud de sa cravate. On voit les pantalons de dessous dépasser des robes des deux fillettes assises, tandis qu’un petit châle de lingerie à plumetis recouvre celle de la jeune fille debout. (I. Roland)
Inscription posthume : Oui