Ce daguerréotype n’est pas daté, mais il est postérieur à la publication à Paris, en 1842, du livre Le Comte J. Capodistria, que l’on voit sur la chaise. Le musée J. Paul Getty à Los Angeles, qui le conserve, le date de 1845 environ, hypothèse qui paraît vraisemblable.
Cet autoportrait de Jean-Gabriel Eynard a été pris à Paris dans le jardin de sa maison de la rue de Londres. Utilisant ce que l’on appelle aujourd’hui un plan moyen, Eynard se met en scène au centre de l’image dans une posture très étudiée, avec une conscience aiguë de l’image qu’il souhaite donner de sa personne. Réalisé peut-être avec l’aide d’un employé de maison, cet exemplaire figure parmi les plus beaux autoportraits d’Eynard. Son attitude, le torse légèrement tourné vers la droite, ses longues jambes croisées élégamment vers le côté, que vient souligner, droit et bien tendu, un pantalon clair comme on en porte la journée, lui donne une allure distinguée. La redingote plus foncée que le pantalon, rehaussée d’un col de velours noir, souligne le visage d’Eynard, orienté vers la caméra. Un gilet dont on devine les motifs, ainsi qu’une cravate à rayures nouée près du cou et enserrant un col blanc, viennent compléter ces magnifiques jeux d’opposition de teintes claires et sombres.
Ce splendide daguerréotype témoigne de la recherche constante, chez Eynard, d’un rendu esthétique. L’attention est portée à tous les éléments qui composent l’image, à sa personne avant tout, mais aussi aux objets qui l’entourent, soigneusement choisis, comme le mobilier ou la très intéressante nature morte que Jean-Gabriel Eynard met en scène sur le guéridon Louis-Philippe. Il présente ce qui semble être une vue pleine plaque du Forum romain, daguerréotype aujourd’hui disparu. Sans qu’on puisse exclure formellement qu’il se soit agi d’un papier salé, la correspondance d’Eynard citée par Philippe Kaenel (Kaenel 2000, p.12) atteste qu’il est l’auteur de plusieurs daguerréotypes de monuments romains : « Maintenant je prends les monuments de Rome […] j’espère t’apporter une 20ne de belles épreuves », écrit-il à son frère Jacques le 7 mars 1840 (BGE, Ms suppl. 1848, fol. 91). On peut envisager qu’à près de septante ans, Eynard choisit de s’entourer d’objets qui le définissent et symbolisent les activités dans lesquelles il s’est engagé avec passion : son engagement pour l’indépendance de la Grèce, son amitié pour Capodistria et sa fascination pour le daguerréotype. (U. Baume-Cousam)
Inscription posthume : Oui