C’est devant la porte-fenêtre médiane de la façade principale de la maison de maître de Beaulieu qu’Anna et Jean-Gabriel Eynard posent en compagnie de leur fille Sophie, de leur petite-fille Hilda et d’un petit-neveu d’Anna, Ernest de Traz. L’image est inversée, la statue de Mercure, que l’on distingue mieux sur la vue de droite, se trouvant en réalité à gauche de la baie. Cette stéréoscopie n’est pas datée, mais elle est visiblement contemporaine d’une autre prise à Beaulieu en octobre 1852, sur laquelle Jean-Gabriel et Anna sont habillés presque à l’identique (2013 001 dag 122), comme c’est le cas sur un double portrait qui correspond très certainement à la même séance de pose (2013 001 dag 079). Les ombres portées d’Ernest et d’Hilda, ainsi que leurs yeux baissés, révèlent que la vue a été prise en plein soleil, ce que déconseillent la plupart des traités de photographie ; mais Lerebours précise que « les portraits obtenus au soleil auront de fortes oppositions, une grande vigueur dans le modelé ; on pourra, avec cette vive lumière, obtenir des groupes délicieux pleins de vie et de mouvement » (Lerebours 1843, p. 73). Cette forte luminosité confère effectivement une grande netteté à la plupart des éléments, même si la façade est un peu surexposée. L’angle de vue la montre de trois quarts, créant une perspective accélérée particulièrement adaptée à une image que l’on pouvait contempler en trois dimensions. Le cadrage met en évidence les deux colonnes qui scandent l’image et lui confèrent un élan vertical. Eynard, une fois de plus, utilise les lignes architecturales de l’arrière-plan pour structurer sa composition et placer ses modèles qui, disposés de façon naturelle, feignent tous d’ignorer l’objectif. Au premier plan, Jean-Gabriel et Anna sont assis presque symétriquement de part et d’autre d’Hilda, avec laquelle ils semblent en pleine discussion. Derrière eux, Sophie et Ernest se tiennent debout à des hauteurs différentes devant les deux colonnes de la porte-fenêtre. Sophie a l’air de guetter ce qui se passe à l’intérieur de la maison tandis qu’Ernest garde les yeux baissés. Leurs habits sombres contrastent avec ceux, plus clairs, des autres protagonistes. Au centre, entre les deux groupes, se trouve un guéridon recouvert d’une nappe à motifs tachetés qui apparaît sur près de cinquante daguerréotypes. Très graphique, elle ressort avec plus de précision sur la vue de gauche, tout comme le châle d’Anna. Sur le guéridon trône une sorte de petite fontaine ornementale en pierre ou en porcelaine agrémentée d’oiseaux. Visiblement appréciée d’Eynard, elle figure sur quatre autres daguerréotypes, dont les deux pris le même jour que celui-ci. De part et d’autre de la fontaine sont accroupis deux animaux, des chiens ou peut-être des faons dont on ignore si la présence est purement décorative ou symbolique. Il en va de même de la chaise vide placée à gauche au premier plan, partiellement coupée sur l’image de droite, et dont la position légèrement de trois quarts renforce l’effet de perspective. La vue de gauche est de meilleure qualité que celle de droite, plus sombre et dont le verre est piqué. (I. Roland)
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