Cette belle stéréoscopie des années de maturité fait partie des quelques œuvres qui ne comportent aucun personnage et où la nature prédomine, avec de grands arbres dépouillés ou non (autres exemples 2013 001 dag 078, DE 006, dep 3831…). La présence humaine est suggérée par le banc et les chaises vides au premier plan, ainsi que par les façades des bâtiments que l’on devine à l’arrière-plan. La vue a vraisemblablement été prise dans le premier jardin botanique de Genève, aménagé en 1793 sur le terre-plein du bastion de Saint-Léger, auprès duquel le palais Eynard a été construit en 1817-1821. Si tel est le cas, les maisons à l’arrière-plan sont celles du bas de la rue Beauregard (voir CIG, Phot31P Bea 01). La composition très élaborée, scandée par les troncs des arbres, s’apparente à celle d’un tableau. Cette impression est renforcée par la maîtrise de la lumière, qui assure un bel équilibre entre les tons clairs et sombres et crée un contraste entre le chemin lumineux et les troncs noirs des arbres. Le point de vue a été soigneusement choisi afin de créer un effet de perspective particulièrement adapté à une image destinée à être contemplée en relief. La grande profondeur de champ permet en outre d’apprécier chaque plan, qui apparaît avec une certaine netteté. Le banc et les chaises en travers du chemin participent à cette vision en trois dimensions. Par ailleurs, les sièges vides font partie des leitmotive d’Eynard depuis les débuts de son activité de daguerréotypiste. Destinés bien souvent à animer une scène et à lui conférer un effet d’instantanéité, ils pourraient ici symboliser le dépouillement ou l’absence, comme sur une autre stéréoscopie prise sur le chemin du domaine de Fleur d’Eau à Rolle (2013 001 dag 078). Plusieurs œuvres tardives d’Eynard reflètent ce goût pour la nature et la simplicité, comme si, l’âge avançant, le vieil homme fortuné se tournait vers l’essentiel. (I. Roland)