Sur cette stéréoscopie, Jean-Gabriel et Anna Eynard sont assis presque l’un derrière l’autre devant la façade principale de la maison de maître de Beaulieu. Cette disposition originale constitue un unicum parmi la quinzaine de doubles portraits conservés, qui les présentent d’ordinaire face à face ou côte à côte. La vue est inversée, étant donné que la statue de Mercure se trouve en réalité à gauche de la porte-fenêtre médiane, reconnaissable à son store en tissu brodé dont les bords retombent au-dessus de la tête des personnages. L’image n’est pas datée, mais un portrait de groupe pris en octobre 1852 est de toute évidence contemporain puisque le couple Eynard est habillé de façon quasi identique, et Anna presque dans la même position (2013 001 dag 122). Une autre stéréoscopie comprenant trois personnages supplémentaires correspond aussi à la même séance de pose (2013 001 dag 119). Sur cette vue, Eynard est plongé dans la lecture tandis qu’Anna, de profil comme souvent, semble perdue dans ses pensées. Enveloppée dans un châle et la tête recouverte d’une coiffe, elle est assise sur un banc au pied de la statue de Mercure, tandis que celle du jeune faune jouant de la flûte surmonte la silhouette d’Eynard. Un repose-pied dépasse l’ourlet de sa robe. Entre les deux époux à l’arrière-plan, au centre de la composition, se trouve un guéridon recouvert de la fameuse nappe à motifs tachetés qui apparaît sur près de cinquante daguerréotypes. Sur ce meuble trône une sorte de petite fontaine décorative en pierre ou en porcelaine agrémentée d’oiseaux. Visiblement appréciée d’Eynard, elle figure sur quatre autres stéréoscopies, dont les deux prises vraisemblablement le même jour que celle-ci. De part et d’autre de la fontaine sont posés deux animaux accroupis, des chiens ou peut-être des faons. L’angle de vue montre la façade de trois quarts, créant une perspective accélérée qui met en évidence la succession de colonnes et de niches qui scandent la composition et lui confèrent un élan vertical. Cette perspective est particulièrement adaptée à une image destinée à être vue en relief. Un recul suffisant et un terrain plat ont permis d’éviter les déformations, de sorte que les lignes architecturales sont parfaitement parallèles. La maîtrise de la lumière et la profondeur de champ assez étendue assurent une certaine netteté à la plupart des éléments représentés. Quelques différences apparaissent cependant entre les deux images : par exemple, le visage d’Eynard est un peu trop sombre à gauche et la retombée du store au-dessus d’Anna est floue sur la vue de droite. (I. Roland)