Ce portrait assez intimiste, qui regroupe la famille proche d’Eynard (son épouse, sa fille, son gendre et ses trois petits-enfants), mais dont il est absent, a été pris sur la terrasse de la maison de maître de Beaulieu. Il n’est pas daté, mais en évaluant l’âge des enfants représentés, nés respectivement en 1834, en 1835 et en 1837, on peut le situer vers 1845, hypothèse confirmée par le passe-partout en fin carton clair qu’Eynard utilise surtout entre 1840 et 1845, ainsi que par la mauvaise qualité de l’image, recouverte d’un voile et légèrement floue. Pour animer ce portrait, Eynard a élaboré une petite mise en scène pour faire croire qu’il photographiait ses modèles à leur insu. Autour d’un guéridon recouvert d’une nappe, Anna Eynard a posé sa main sur un livre qu’elle montre à ses trois petits-enfants accompagnés de leurs parents. Les regards baissés de chacun convergent vers l’ouvrage placé sur la petite table, un peu décentrée vers la droite de l’image. La position centrale d’Hilda suggère qu’elle est en train de lire à haute voix, en suivant la main de sa grand-mère qui lui indique la ligne à déchiffrer. Si tel est le cas, cette scène familiale, qu’on pourrait intituler « La leçon de lecture », fait écho à une autre, prise à peu près à la même époque et où Hilda et Gabriel semblent apprendre à écrire (2013 001 dag 043). Attentive et concentrée, chaque personne adopte une attitude bienveillante et familière. Charles se penche légèrement vers sa fille, comme pour l’encourager, tandis que Gabriel a passé son bras autour des épaules de son petit frère Féodor, qui s’appuie contre lui. La disposition des modèles est soigneusement étudiée. Anna et Sophie sont assises de profil de part et d’autre de la table, presque symétriquement. Les habits clairs d’Anna et d’Hilda, qui alternent avec ceux, foncés, de Charles et Sophie, créent un contraste qui anime et équilibre la composition. Les blouses russes à carreaux ceinturées des deux frères et le gilet écossais de Charles ressortent avec une certaine netteté, ainsi que le motif tacheté de la nappe. Rappelons que cette dernière, très graphique, apparaît sur près de cinquante daguerréotypes.
La mise au net a été faite sur le groupe et la profondeur de champ assez réduite laisse l’arrière-plan dans le vague. Le visage d’Hilda, qui a probablement bougé pendant la prise de vue, et, dans une moindre mesure, celui de Féodor sont eux aussi flous. (I. Roland)
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