Sur la création d’imaginaire collectif

L’exposition "Grand Tour" actuellement dans le Couloir des coups d’œil de la Bibliothèque de Genève présente une série de vues de paysages de la Suisse de la seconde moitié du XIXe siècle.

Sur la création d’imaginaire collectif

Oberland bernois, Eiger, Mönch, Jungfrau
Atelier Jullien Frères (1900-1930) Oberland bernois, Eiger, Mönch, Jungfrau vers 1900, tirage albuminé, inv. BGE JJ 00864 B Crédit: Bibliothèque de Genève

Les vues de la Suisse ont influencé l’image que l’on se faisait de la Suisse au-delà des frontières avec l’essor du tourisme et ont joué un rôle déterminant dans la construction de l’identité nationale au sein même de la population helvétique. Contemporains du développement de la photographie, les États-nations s’affermissent ou émergent en Europe au milieu du XIXe siècle. Pour transcender les différences régionales, le sentiment d’appartenance à la nation s’appuie sur de nouvelles institutions comme l’armée (1848/1874), l’unité monétaire (1850) ainsi que des références et des symboles communs, comme le drapeau (1840/1889), la carte Dufour (1845-1865), un hymne (1841/1961/1981) ou une fête nationale (1891).

L’identité nationale se construit aussi par différenciation avec les particularismes des autres nations. C’est ainsi que les paysages suisses, et particulièrement les paysages alpins, primitifs et sauvages dans l’esprit du XVIIIe siècle, deviennent un constituant essentiel de l’âme du pays à mesure que la photographie en multiplie les représentations. Ces images, qui connaissent une extraordinaire diffusion, contribuent à construire un imaginaire collectif actuellement toujours vivace, à l’instar de la silhouette du Cervin par exemple.

Le mouvement du Heimatschutz (aujourd’hui Patrimoine suisse) est précisément fondé en 1905 dans le but de sauvegarder les paysages auxquels les Suisses vouent un attachement toujours plus profond. Les atteintes à leur intégrité que représentent les équipements de la modernité tels que les chemins de fer, funiculaires et crémaillères lancés à l’assaut des sommets sont ses cibles privilégiées parce qu’ils transforment et banalisent un paysage devenu symbole. Nul doute que l’émotion suscitée en 2023 par les machines de chantier creusant les pentes des glaciers du Cervin pour une compétition de ski repose sur les mêmes mécanismes.

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