Objectif 82 sommets
Objectif 82 sommets
A l’occasion de cette soirée, nous avons proposé à Thomas de visiter l’exposition «Grand tour» suivie d’une courte interview que nous vous partageons ici.
Nous revenons tout juste de la visite de l’exposition «Grand Tour». Est ce qu’il y a une image, une anecdote qui t’a particulièrement frappé?
Sans hésiter la Mer de Glace! Ce n’est pas la première fois que je vois des photos de la Mer de Glace et c’est vraiment un endroit que j’aurais voulu voir comme ça. J’aurais voulu voir pourquoi ça s’appelait la Mer de Glace car à l’époque [fin de la petite ère glaciaire, il y a 150 ans] il y avait ces formes de vaguelettes et de vagues qui faisaient comme une mer. Quand je vois ces photos je me dis que ça devait être magistral ! Les glaciers en général, ça me fait toujours un choc.
Dans l’exposition, ce qui m’a fait rire - c’est lié à l’époque aussi - c’est que Jemima [Morrell qui participe au premier voyage dans les Alpes en 1863] soit passée à Pontarlier mais pas à Zermatt!
Tu as deux activités importantes dans ta vie. Comment te présentes-tu?
Je commence par dire que je suis musicien, car c’est avec ça que je gagne ma vie, avec l’Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp principalement et le projet solo. Mais tout de suite après, dans les 10 secondes qui suivent, je précise que je suis alpiniste. Là on me pose la question, vous êtes professionnel ou c’est un loisir? Et je réponds, très amèrement, c’est un loisir. Mais ce n’est pas un loisir, c’est vital en fait. Si je n’ai pas ça, je ne suis pas moi. Comme disait Lionel Terray, on ne gagne pas de sous à aller grimper des sommets mais c’est vital d’une autre façon.
Comment concilies-tu ton activité de musicien et ton projet des 82 sommets ?
Être musicien/interprète c’est parfait pour faire ça. Bien sûr, il y aura toujours des moments où on regarde la météo, on est en pleine tournée et ça aurait été le moment de partir en montagne. Avec l’orchestre, depuis juillet on n’a pas tourné, et du coup j’ai pas mal enchaîné des grosses ascensions qui me font avancer et qui me sortent de ma zone de confort.
Après pour le temps, il faut prendre en compte l’ascension mais aussi toute la préparation physique et mentale qu’il y a avant. Il y a de la préparation physique, de l’endurance pour pouvoir marcher longtemps sans s’arrêter.
Concilier ce temps, finalement, c’est simple dans l’idée mais pas si simple que ça dans les faits. Pendant une période ça a été très compliqué niveau musique, comme si j’avais perdu tout intérêt d’un coup parce que la montagne me prenait vraiment beaucoup. Mais petit à petit je reprends du plaisir à prendre l’alto et à faire de la technique. Finalement, entre montagne et musique, ni l’un ni l’autre ne prend le pas sur l’autre pour que l’équilibre soit complet. C’est ma façon de voir pour l’instant.
Quel a été ton processus pour arriver à ce projet des 82 sommets?
J’ai arrêté la musique classique en 2020. J’en joue encore un peu de temps en temps. Dans cette même année, j’ai rejoint l’Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp, avec toutes ces personnalités, tous ces gens qui composent, qui improvisent, etc. J’ai parlé avec les guitaristes sur les effets, les pédales, etc. et ça m’a donné envie de chercher et d’expérimenter avec mon instrument. Ce que j’ai fait une année entière. La musique a commencé à prendre forme comme ça.
En même temps, à côté je progressais bien en montagne. J’en faisais de plus en plus, c’était avant d’être alpiniste. La préparation pendant 1 ou 2 ans s’est faite en moyenne montagne. Je me suis documenté avec des livres, des vidéos et puis j’ai testé, par exemple, comment cramponner, les 10 pointes, les 2 pointes, bref toutes les techniques possibles et imaginables.
Et pour la composition, une partie de l’inspiration venait en montagne, ce serait malhonnête de dire que toute l’inspiration venait pendant mes ascensions, mais quand même quand j’avais des images en tête, il y avait des petites musiques qui venaient. Quand on marche beaucoup, très longtemps, pour moi il y a deux scénarios. Au tout début quand je marchais dans les glaciers pendant 6, 7, 8 heures parfois, soit j’avais des musiques genre des tubes des années 80, des trucs vraiment horribles, soit j’avais des phrases musicales qui tournaient en boucle. Alors on se dit tant qu’à les avoir dans la tête pendant 2 heures, autant peut-être les utiliser quand on redescend! Voilà c’est comme ça que les petites phrases qui sont arrivées sont arrivées. Il y en a qui sont encore là, il y en a qui ont été supprimées.
On a parlé de montagne et musique et ton projet fusionne les deux avec un nouvel aspect, celui de la vidéo. Comment cela s’est développé et comment tu gères cette nouvelle dimension dans tes ascensions?
Depuis le début du projet 82 sommets, je voulais quand même avoir une preuve, parce que pour aller démarcher, il fallait bien que je montre que j’y étais. C’est un ami qui m’a donné l’idée de mettre mes vidéos sur ma musique. Au début, c’était des petites bribes de vidéo, sur des arrêtes et il n’y avait aucune narration.
Aujourd’hui quand je travaille sur ce projet, il y a une timeline que j’écris d’abord avec tout ce qui est décrit. Ensuite je travaille en parallèle la musique et le montage vidéo, puis je mets les deux ensemble et je vois ce que ça donne. Et après, on lance, on joue devant des gens.
Quand tu dis narration, c’est que c’est raconté?
Non, c’est plutôt comment ça se déroule. Il va y avoir une partie où je marche dans la nuit et je montre comment c’est de progresser dans la nuit, quelle atmosphère, qu’est-ce qu’on peut voir quand on regarde vers le ciel, ce qui se passe dans le refuge, les sons de la nuit et bien sûr l’arrivée au sommet.
Tes projets après les 82 sommets?
Les 82 sommets des Alpes, c’est une étape de mon projet qui après va m’emmener dans les Andes et ensuite l’Himalaya. J’aime bien cette citation du film «le Sommet des dieux» de Patrick Imbert qui m’inspire beaucoup: «Pour certain, la montagne n’est pas un but mais un chemin et le sommet une étape. Une fois là-haut il n’y a plus qu’à continuer».
Vous pouvez suivre Thomas Malnati-Levier sur Instagram @Thom_ml_alpinisme. Il jouera à la bibliothèque La Musicale le jeudi 5 décembre 2024 à 19h.
Ressources évoquées pendant l’interview
Imbert, Patrick, et al. Le Sommet des dieux. [DVD]. Wild Side, 2022.
Jaeger, Nicolas. Carnets de solitude : 60 jours seul à 6 700 m d’altitude, Éditions Denoël, 1979.
Jaeger, Nicolas. Les Andes du Pérou : Au cœur de la Cordillère Blanche, Denoël, 1979.
Morrell, Jemima, et al. Voyage dans les Alpes en 1863 : carnet de route, Ed. Cabédita, 1995.
Terray, Lionel. Les Conquérants de l'inutile, Gallimard, 1961.
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