Comme de nombreux artistes contemporains, Luis Carlos Tovar mobilise dans le cadre de sa pratique artistique des archives de différentes natures: albums détenus par des particuliers, archives d’organisations privées, ou encore collections publiques. Si sa démarche peut s’apparenter à celle d’un historien par l’étude rigoureuse de multiples sources souvent difficilement accessibles, son ambition est distincte. Il ne s’attache pas à retracer les représentations, multiples et souvent contradictoires, de la violence politique en Colombie pour en faire émerger un récit historique plus exact. Par des interventions artistiques précises, il entend leur redonner sens, et œuvrer dans le sens d’une possible guérison des traumatismes individuels et collectifs de l’histoire de la violence dans son pays d’origine. Par exemple, il répond aux représentations de combats par des photographies recadrées sur des mains dans des gestes de soins aux blessés.

Palonegro, nom de la principale bataille de la neuvième guerre civile de Colombie, la guerre des Mille Jours (1899-1902), lui sert ici d’étude de cas. L’artiste a mené des recherches sur le terrain, et dans des archives publiques et privées colombiennes et suisses, dont celles du Musée international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, et les collections géographiques de la Bibliothèque de Genève.

Il y a notamment photographié les cartes colombiennes de La Nouvelle Géographie Universelle du cartographe anarchiste Élisée Reclus. Dans l’exposition, il présente trois reproductions photographiques du dos des cartes, montrant les restaurations dont elles ont fait l’objet, en écho symbolique au traitement des corps blessés sur le champ de bataille. Mais il aspire aussi à rendre enfin accessible au public colombien ce patrimoine historique, sous forme digitale. En tant qu’artiste, Luis Carlos Tovar opère ainsi à la manière d’un intermédiaire entre les publics et les documents rassemblés dans les collections, capable de créer de nouvelles interprétations porteuses de sens.

Danaé Panchaud est muséologue, enseignante en photographie et commissaire d’exposition. Après avoir dirigé le Photoforum Pasquart de Bienne, elle est depuis 2022 directrice du Centre de la photographie Genève et préside notamment l’association Spectrum – Photography in Switzerland.

Le Centre de la photographie Genève sera hébergé par la Bibliothèque de Genève dès 2025 pendant les travaux de rénovation prévus dans la Bâtiment d’art contemporain où il se situe habituellement.