La Bibliothèque de Genève à la carte
La Bibliothèque de Genève à la carte

Un premier plan de la ville a certes été dressé en 1429 déjà mais il n’est pas de son fait et a été réalisé à la demande de l’entourage du duc de Savoie (connu comme le plan Bolomier.) Genève s’affirme comme centre de compétence cartographique surtout aux 17e-18e siècles. Pensons au plan Billon (1726-1728), le premier plan cadastral géométrique d’une grande ville en Suisse, aujourd’hui un fleuron des Archives d’Etat. Celui-ci est l’œuvre d’un ingénieur et cartographe genevois, Jean-Barthélemy Micheli du Crest (1690-1766) qui collabore pour la réalisation avec le jeune architecte Jean-Michel Billon (1705-1778). Un siècle plus tard, le projet de carte nationale de la Suisse (1832-1864) est conduit depuis Genève par un autre ingénieur militaire, Guillaume Henri Dufour (1787-1875), travail aujourd’hui repris par le service topographique fédéral swisstopo qui en est l’héritier direct.
Ces documents ne sont pas conservés à la Bibliothèque de Genève dont les collections recèlent toutefois quelques chefs d’œuvre de la cartographie. On y trouve des pièces de valeur internationale comme ce "portulan" (carte marine) d’André Benincasa d’Ancone (1476) entré dans les collections près de trois siècles après sa création, en 1742. De Micheli du Crest, le Centre d’iconographie de la Bibliothèque abrite son «plan de Genève et de ses environs» (vers 1730), une pièce unique pour restituer la vie rurale située à proximité immédiate de la ville.
Mais ce sont les fonds d’archives qui constituent les véritables richesses cartographiques de la Bibliothèque de Genève. Citons le fonds du mathématicien Nicolas Fatio de Duillier (1664-1753), entré au 18e siècle, qui est capital pour comprendre l’apparition du calcul scientifique et astronomique dans le travail cartographique. La première véritable carte moderne du Léman par Antoine Chopy (1674-1760) en est le signe le plus manifeste. Qui veut s’intéresser à Dufour ne doit pas oublier de consulter les archives de sa famille déposée en 2016 dans notre institution. On y trouve notamment la copie que s’est fait faire le futur général du plan de la ville de Corfou (1811-1812); c’est le premier plan d’importance que réalise le futur cartographe de la Suisse. Le fonds de famille conserve par ailleurs de nombreux plans de fortifications suisses que le militaire genevois a fait faire alors qu’il était à Thoune après son intégration dans les troupes fédérales helvétiques.
Enfin, le don en 1893 de l’ensemble cartographique du géographe français Elisée Reclus (1830-1905) par l’intermédiaire de son collaborateur genevois Charles Perron (1837-1909) marque un tournant dans l’histoire des collections de cartes de l’institution. Reclus, exilé en Suisse après la Commune de Paris, collabore pendant près de 20 ans avec Perron, un anarchiste comme lui. Les cartes qu’il a réunies couvrent la planète entière; elle devaient servir à documenter son grand œuvre La Nouvelle Géographie universelle (1875-1893). Perron sera nommé en 1904 conservateur du Dépôt cartographique de la Ville et fondera le Musée cartographique de la Ville de Genève. Ce musée, à l’existence éphémère (1907-1929) a déjà fait l’objet d’un blog. L’acquisition de l’ensemble Perron/Reclus a représenté un progrès décisif, tant au niveau quantitatif (ce sont plus 7000 pièces entrées d’un coup) que surtout qualitatif: couvrant le monde entier, ces cartes apportent une dimension globale aux collections la Bibliothèque sur une période capitale de l’histoire européenne et mondiale.






Toutefois, si avec le Musée cartographique, l’institution avait placé la représentation topographique du monde au centre de ses activités, force est de constater que cela n’a plus été le cas depuis. La collection a été sauvée de l’oubli par une de ses bibliothécaires, Marianne Tsioli, qui a accepté à prendre en charge la collection, sans avoir toutefois les fonctions d’une véritable conservatrice. Une publication scientifique confiée à Alexandre Chollier en 2016 a montré l’intérêt du fonds de la «Géographie universelle» de Reclus et Perron. Le catalogage des cartes a progressé (pour les régions suisses et voisines de la Suisse); deux sous-collections importantes ("Genève et environs" et "Musée cartographique de Genève") ont fait l’objet de publication en ligne sur e-rara.ch. Des opérations grand public ont été menées parallèlement, comme la création, dans le cadre des célébrations du bicentenaire de l’entrée de Genève dans la Confédération suisse, d’un site de consultation d’une sélection de cartes géoréférencées locales. Aujourd’hui la Bibliothèque de Genève se trouve devant une tâche certes imposante mais pas insurmontable. Elle verra ces prochaines années le signalement supplémentaire de 40 000 cartes de ses collections.
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