Jean Revillard par Marina Saura
Jean Revillard par Marina Saura

En mai 2017, le journaliste Borja Hermoso, envoyé par le quotidien espagnol El País, passa une journée avec nous aux Archives Antonio Saura pour réaliser un reportage sur la fondation et nos activités qui fut publié dans ce même journal le 22 octobre 2018. Il arriva accompagné d’un garçon chargé de son matériel photographique qui au premier abord me parut un peu bourru, peut-être timide, mais qui me salua avec une bonne poignée de main en regardant tout autour avec ses grands yeux bleus. C’était Jean Revillard dont je ne connaissais ni le nom et encore moins l’œuvre. Il se promena dans nos locaux pendant que je répondais aux questions du journaliste, puis vint le moment de prendre des photos.



Il avait été intéressé, je crois, par ce qu’il découvrait: l’univers d’un artiste plasticien, Antonio Saura, mon père, décédé presque vingt ans auparavant. Cependant il avait une mission: photographier le lieu où sont réunies les archives de mon père. Un courant de sympathie passa entre nous lorsque je lui demandai s’il connaissait l’Espagne. On commença à parler. Je compris que ce reportage faisait partie des tâches «alimentaires» de tout photographe, mais que son cœur était ailleurs. Je lui parlai de l’intérêt de mon père pour la photographie, lui montrai sa collection de caméras, ses livres, lui commentai des œuvres au mur devant lesquelles il s’était arrêté. Il ne parla pratiquement pas, mais regardait avec curiosité ce que je lui montrais, il m’écoutait et prenait des photos, sans souffrance de ma part, chose rare, ce que je lui avouai. Il me remercia de m’être habillée avec un pantalon bleu électrique, ce qui lui facilitait la tâche dans la composition des images. Bon, au moins ça!


La journée terminée, journaliste et photographe partis, je trouvai des éléments de son matériel photographique éparpillés, oubliés sur des tables ou des étagères. Un objectif, un photomètre, un trépied, etc. Je lui téléphonai pour l’en avertir et il nous envoya un coursier de la Vélopostale, à qui il confiait son matériel très couteux. Surtout lorsqu’il était pressé, comme ce jour-là, la veille d’un voyage destiné à réaliser un de ses reportages personnels. Plus tard, en découvrant ses photographies (Jungles, Sarah on the bridge, Ondes), son travail d’artiste à la recherche d’objets, de traces que laissent les êtres humains sur leur passage, ce regard de Jean qui nous permet de réfléchir sur le destin des exclus, des marginaux, ou de ceux qui cherchent tout simplement à vivre m’a vivement interpellée. Un regard détourné et pudique pour éviter de heurter ou de repousser mais qui nous oblige à chercher à comprendre. Une bicyclette pour aller plus vite, un sourire plein de dents, des yeux vifs et une gentillesse lumineuse.

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