Histoire architecturale de la Bibliothèque de Genève 2/3 : la Bibliothèque publique et universitaire

Histoire architecturale de la Bibliothèque de Genève 2/3 : la Bibliothèque publique et universitaire

Les bâtiments académiques à la fin du chantier
Photographe inconnu Les bâtiments académiques à la fin du chantier Tirage noir/blanc sur papier, (BGE VG p 0034) Crédit: Bibliothèque de Genève

La Bibliothèque de Genève partage une origine commune avec l’Académie fondée par Calvin en 1559 et abritée comme elle au Collège à Saint-Antoine (aujourd’hui collège Calvin). À la suite de la révolution démocratique de 1846, le gouvernement conservateur est renversé et les anciennes institutions, créées à la Réforme et remises en place en 1814 après le départ de l’occupant napoléonien, sont réformées en profondeur. Longtemps, la Bibliothèque est l’image même d’un monde ancien, non touché par les progrès des sciences et des techniques, une vision qu’immortalise Jean-Jacques Dériaz (1814-1890) dans une série de vues, teintées de nostalgie.

Jean-Jacques Dériaz, La Grande salle de la Bibliothèque de l’Académie avant son déménagement,
Jean-Jacques Dériaz, La Grande salle de la Bibliothèque de l’Académie avant son déménagement gouache et aquarelle, 1873 (BGE 0201) Crédit: Bibliothèque de Genève

Mais peu avant la réalisation de ce dessin, entre avril et décembre 1872, cet univers avait déjà disparu. Les bibliothécaires de l’institution ont déplacé les 70 000 ouvrages que le vieil édifice contenait dans un nouveau bâtiment aux Bastions lequel abrite aujourd’hui encore l’institution. Emblème de ce changement majeur, le catalogue imprimé de la Bibliothèque est publié peu après entre 1875 et 1883 (quatre volumes complétés par des suppléments et tables en 1887-1907). Un changement de nom en 1907 rend compte de cette évolution, la Bibliothèque publique de Genève devient la Bibliothèque publique et universitaire.

Comme l’institution qui la précédée, la Bibliothèque des Bastions est intimement liée à l’enseignement supérieur, c’est-à-dire en 1873, l’Université de Genève fondée au même moment, qui s’est substituée à l’Académie de Genève. Vingt ans après que l’idée a été lancée, la première pierre des bâtiments académiques, comme on les appelle alors, est solennellement posée en automne 1868.

Lacombe & Lacroix La pose de la première pierre des bâtiments académiques aux Bastions après la fin des travaux préliminaires épreuve noir/blanc sur papier albuminé, collé en plein sur carton, 31 octobre 1868, (BGE, phot29p universite 03) Crédit: Bibliothèque de Genève
Lacombe & Lacroix La pose de la première pierre des bâtiments académiques aux Bastions après la fin des travaux préliminaires Epreuve noir/blanc sur papier albuminé, collé en plein sur carton, 31 octobre 1868, (BGE, phot29p universite 03) Crédit: Bibliothèque de Genève
Détail du plan de Jean Rodolphe Mayer Plan de la ville de Genève [Genève] : Briquet et fils, imprimé, 1876, (BGE 39G 35)
Détail du plan de Jean Rodolphe Mayer Plan de la ville de Genève Briquet et fils, imprimé, 1876, (BGE 39G 35) Crédit: Bibliothèque de Genève

Disposé en fer à cheval, l’ensemble comprend trois parties: dans le corps central, les salles de cours, laboratoires et amphithéâtres et, dans les deux ailes latérales, les collections scientifiques, avec d’un côté le Museum et, de l’autre, la Bibliothèque. Fait rare, canton et Ville s’entendent alors pour mener à bien communément le projet. Un langage architectural homogène marque symboliquement cette unité.

Paul Joseph Collart, Jean Franel et Francis Gindroz (d’après) Plan des bâtiments académiques imprimé, 1896, (BGE 40p 06 20)
Paul Joseph Collart, Jean Franel et Francis Gindroz (d’après) Plan des bâtiments académiques imprimé 1896, (BGE 40p 06 20) Crédit: Bibliothèque de Genève
5.	Photographe inconnu, Les bâtiments académiques à la fin du chantier, tirage noir/blanc sur papier (BGE VG p 0034)
Photographe inconnu Les bâtiments académiques à la fin du chantier Tirage noir/blanc sur papier, (BGE VG p 0034) Crédit: Bibliothèque de Genève

La construction des bâtiments académiques s’intègre dans un vaste projet de rénovation de la ville lancé au début des années 1850. Il s’agit de démolir les fortifications et de les remplacer par une couronne urbaine moderne, aujourd’hui communément désignée sous le nom de ceinture Fazyste. L’université est considérée, parmi d’autres édifices politiques, religieux ou culturels, comme les phares de la Genève moderne, ce qui justifie pleinement sa place privilégiée dans le dispositif urbain, en bordure de la promenade des Bastions. Le projet est confié à trois architectes de la place, Jean Franel (1824-1885), Francis Gindroz (1822-1878) et Joseph Paul Collart (1810-1894), lesquels, vont se voir attribuer le mandat alors qu’ils ont participé à divers titres à la définition du programme et même au jury du concours et qu’ils n’ont pas même reçu le premier prix! Il faut dire que le plus âgé d’entre eux, Collart, est une personnalité qui compte à Genève. Architecte formé à Paris, il est l’auteur de bâtiments importants comme l'hôtel de la Métropole (1852-1854) et a mené une carrière politique, comme conseiller administratif de la Ville (1843-1847), conseiller d’État en charge des Travaux publics (1867-1870). Quant au financement des deux ailes municipales (1 million de francs), il est assuré par la Ville avec notamment une contribution de 100 000 frs du mécène Gustave Revilliod (1817-1890) destinée à la seule Bibliothèque. Celle-ci et le Museum qui lui fait face sont d’ailleurs conçus comme des édifices jumeaux caractérisés par un même grand escalier intérieur, au point que, parfois, seule les collections exposées permettent de les distinguer sur les photographies anciennes.

Bibliothèque ou Museum? René Brunet-Le Comte L’entrée et l’escalier du Museum carte postale, vers 1930, BGE 2014 053 cp1
Bibliothèque ou Museum? René Brunet-Le Comte L’entrée et l’escalier du Museum carte postale vers 1930, BGE 2014 053 cp1 Crédit: Bibliothèque de Genève

Les décors majestueux, les doubles hauteurs et, d’une manière générale, la générosité des espaces intérieurs sont les points forts du bâtiment originel.

La salle dite Eynard de la Bibliothèque publique et universitaire
Jullien frères La salle dite Eynard de la Bibliothèque publique et universitaire carte postale, avant 1930 (BGE rec est 0179 15 m675) Crédit: Bibliothèque de Genève
La première salle de lecture de la Bibliothèque publique et universitaire
Photographe inconnu La première salle de lecture de la Bibliothèque publique et universitaire tirage noir/blanc sur papier, vers 1900 (BGE Rec Est 0179 17 41) Crédit: Bibliothèque de Genève

Pour en savoir plus : David Ripoll, La ceinture fazyste, ouvrage à paraître en décembre 2024 dans la collection de l’Inventaire des monuments d’art et d’histoire du canton de Genève (vol. 6).

Commentaires

Cristal de Revilliod
Le grand cristal que l'on voit sur la carte postale de 1930 avait appartenu à Gustave Revilliod. Il avait été transporté de sa maison de la rue de l'Hôtel de Ville au nouveau musée, comme le raconte sa mère Ariane dans son journal (Archives d'État de Genève, AP 18.9.1/9, 12 avril 1873). Plus tard, Gustave Revilliod fait construire le musée Ariana, qu'il lègue avec toute ses collections et le domaine de Varembé à la Ville de Genève. Le cristal est sauf erreur aujourd'hui conservé au Museum d'histoire naturelle.
Histoire architecturale de la BGE
Je crois en effet qu'il s'agit de la même pièce. Le Journal de Genève signale le don de la pièce et son installation dans l'ancien Museum des Bastions. L'exposition a nécessité l'intervention d'un architecte (Emile Grobéty) pour la création de son "piédestal en serpentin", très certainement celui que l'on voit sur la carte postale. On dit alors que ce socle vaut l'objet qu'il supporte !(https://www.letempsarchives.ch/page/JDG_1874_10_11/3/article/10211479/Tiefengletscher)

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